Le 1er mars 2019 a eu lieu la cérémonie officielle de clôture du projet AFRIBIOTA en République Centrafricaine. Cette cérémonie a été précédée d’ateliers de restitution scientifique tenus du 28 février au 1er mars 2019. La clôture officielle du projet AFRIBIOTA a réuni ses prestataires de service, des représentants des participants à l’étude et les autorités locales conduites par le Ministre de la Santé et de la population Dr Pierre SOMSE et le Ministre de la Recherche Scientifique et de l’innovation technologique Mme Ginette AMARA.
Au terme de quatre années de travail, le projet AFRIBIOTA financé par la Fondation Total (bailleur principal), l’Institut Pasteur, la Fondation Gates, la Fondation Odyssey Re, le Fonds National Suisse, la Fondation Nutricia et la Fondation Petram est arrivé à son terme. La cérémonie de clôture s’est tenue le 1er mars 2019 à l’Hôtel Oubangui dans la ville de Bangui, réunissant un large public composé de membres des autorités locales et nationales, des collectivités locales et des communautés environnantes, des représentants des donateurs, d’ONG et des représentants des participants à l’étude en particulier.
La cérémonie a démarré par les restitutions du directeur du Complexe Pédiatrique de Bangui Pr Jean Chrysostome Gody, Pr Louis Bainalilago anthropologue, Dr Gilles Tamara-Vernick anthropologue et le coordonnateur du projet Pr Philippe Sansonetti. Par la suite, une brève présentation du projet et de ses réalisations majeures a été effectuée par l’investigateur principal et promoteur du projet, Le Dr Pascale Vonaesch.
Des discours ont été prononcés par le directeur de l’Institut Pasteur de Bangui Dr Jean-Pierre Lombart, le Maire de la municipalité de Bangui M. Emile Gros Raymond Nakombo, le Ministre de la recherche scientifique et de l’innovation technologique Mme Ginette Amara et le ministre de la santé publique et de la population Dr Pierre Somse.
La malnutrition chronique pédiatrique, problème de santé publique en RCA
Selon les résultats de l’Enquête nationale sur la sécurité alimentaire (ENSA) effectuée à la fin de l’année 2017, l’accès à la terre ne garantit pas à la population de pratiquer l’agriculture. Faute de revenus suffisants auprès des ménages, l’accès aux aliments, à une nourriture saine, nutritive et suffisante reste un grand défi ; 17% de la population ont un score de consommation pauvre alors que 28% d’entre elle ont un score de consommation alimentaire limite.
Jusqu’à 2,1 millions de personnes sur les 4,7 millions d’habitants, souffrent d’insécurité alimentaire selon l’Enquête nationale de la sécurité alimentaire (ENSA) publiée en janvier. Une récente enquête nutritionnelle nationale (SMART) montre également des taux alarmants de malnutrition chez les très jeunes enfants : 7,1% de malnutrition aiguë globale chez les enfants âgés de 6 à 59 mois.
Le ministre de la santé Dr Pierre Somse, a rappelé lors de l’inauguration du centre de renutrition thérapeutique, que la malnutrition est un problème majeur en Centrafrique : « Un enfant sur six souffre de malnutrition aigüe. Là, je ne parle pas des autres enfants qui ont des malnutritions modérées. Un enfant sur 20 risque de mourir de malnutrition en République Centrafricaine. Donc c’est une question qui est cruciale. »
Mais, nous le savons désormais, la malnutrition chronique n’est pas uniquement liée à des problèmes d’alimentation, mais également à des problèmes immunitaires et d’inflammation chronique de l’intestin dont on ne connaît pas encore tous les mécanismes.
Vers une nouvelle approche de la malnutrition en RCA
Cet événement célèbre cinq années de collaboration couronnées de succès. Un travail d’équipe des Instituts Pasteur de Paris, de Madagascar, de Bangui et leurs partenaires hospitaliers, en collaboration avec l’université de la Colombie-Britannique (UBC à Vancouver), l’INSERM et le Collège de France qui permet de revoir la problématique de malnutrition en Centrafrique.
L’étude a porté des fruits, notamment sur le plan scientifique, avec des premiers résultats publiés le 20 août 2018 dans la revue internationale PNAS qui révèle les désordres subis par le microbiote des enfants malnutris, ainsi que l’existence d’une signature bactérienne intestinale surprenante, caractérisée par la présence massive de bactéries de la flore oro-pharyngée. De nombreuses autres publications sont prévues dans les mois et années à venir.
Sur le plan de la santé publique, l’étude de la prévalence et les différents facteurs de risque liés au retard de croissance, laisse entrevoir des possibilités d’interventions, en particulier prophylactiques, afin d’éliminer ce syndrome de « stunting », de retard de croissance.
L’étude a donné lieu à des recommandations aux autorités locales concernées qui se sont engagées à mettre en place les dispositifs et conditions favorables à la pérennisation des acquis du projet au bénéfice des populations centrafricaines.
Des défis encore à relever
Si dans l’ensemble le bilan est très positif, le plus important reste cependant à venir : traduire ces découvertes par des traitements efficaces pour permettre à tous les enfants d’avoir une croissance saine. Afribiota 1 nous a offert des pistes de déchiffrage, de compréhension de la maladie, Afribiota 2 sera un programme d’action pour la prévention et le traitement de la malnutrition chronique pédiatrique.
Des dispositions pour l’avenir
Le projet tire à sa fin mais l’Institut Pasteur et son réseau international continuent de s’investir autour des microbiotes, ces interfaces homme-microbe dont le rôle physiopathologique est capital et imparfaitement connu.
D’autres études, telle que MALINEA qui a pour objectif d’améliorer la gestion de la malnutrition aiguë modérée chez les enfants âgés de 0 à 2 ans en agissant sur les infections intestinales et en explorant les interactions entre malnutrition et modification du microbiome intestinal, continuent de se poursuivre en République Centrafricaine.
Cet article a d'abord été publié par l'Institut Pasteur de Bangui.