Euroscience Open Forum 2018, à Toulouse, en juillet, a été l'occasion de discuter de la coopération scientifique entre les deux continents avec quelques experts.
Ghada Bassioni - Université Ain Shams, Le Caire, Égypte
Les relations entre l'Afrique et l'Europe ont longtemps été dictées par des positions politiques associées au colonialisme. C’est seulement à partir des années 1960, lorsque tous les pays africains sont devenus indépendants et ont pris conscience des besoins scientifiques, que nous avons pu considérer l'Europe comme un collaborateur et un partenaire.
Romain Murenzi, The World Academy of Science
Avant la fin des années 80, le rapport pays développés pays en développement, les pays en développement appelés pays du tiers-monde, c’était un rapport pour l’appui au développement. Et l’appui pour l’éducation ne se focalisait pas sur la recherche. Parce que la recherche n’était pas considérée comme quelque chose d’important pour le développement. Après les années 80, les années 90, on voit maintenant des pays même pauvres, comme le Rwanda, avoir une politique scientifique et technologique. Avoir une politique sur le digital.
Jean Albergel, IRD
Et on a eu aussi un événement politique important, c’est le sommet de Lisbonne, qui pour la première fois réunissait les chefs d’État et de gouvernement européens et africains et au cours duquel une priorité a été reconnue à la coopération et au partenariat pour la science l’innovation, l’espace et les sciences de la communication.
Ghada Bassioni
Cette relation a commencé à évoluer avec la vision européenne selon laquelle l'Afrique, avec toutes ses ressources et ses ressources humaines, représente l'avenir. Et cette perspective a permis à de nombreux scientifiques africains d'aller à l'étranger et de partager les savoirs entre l'Afrique et l'Europe.
Romain Murenzi
L’Afrique dans quelques années va compter plus du quart de la population mondiale. Et l’Afrique est aux frontières de l’Europe. Mais l’Afrique a des potentialités, souterraines. L’Afrique a 60 % des terres arables dans le monde. L’Afrique a beaucoup de ressources naturelles. Et ces ressources naturelles sont assez importantes pour faire de la science et de la technologie.Et je vois un intérêt croissant de l’Europe pour accompagner l’Afrique dans ce mouvement pour le développement.
Jean Albergel
Un partenariat qui se fait sur un pied d’égalité beaucoup plus fort où les programmes et les projets de recherche sont co-construits, co-gérés et co-évalués pour le bien des communautés scientifiques européenne et africaine.
Ghada Bassioni
Les relations à moyen terme ont commencé avec les projets très récents soutenus par l'Union européenne comme PRIMA ou ERANET-MED. Il s'agit donc de projets africains, voire méditerranéens, avec l'Europe. C’est le terrain pour trouver des solutions aux défis auxquels sont confrontés l'Afrique et l'Europe.
Romain Murenzi
Je vois par exemple dans l’établissement de l’Agence Africaine pour la recherche, je vois l’Europe accompagner ça. Et ce sera très important : on pourra voir une mobilité entre l’Afrique et l’Europe. Des jeunes africains viendront en Europe, pour quelques mois, pour faire de la recherche ; de jeunes européens iront en Afrique.
Ghada Bassioni
Et à long terme, il faut s’appuyer sur le fait que les scientifiques d'aujourd'hui sont les leaders de demain. Si l’on donne aujourd'hui à nos jeunes scientifiques l'opportunité d'aller à l'étranger et d'échanger leurs connaissances, alors il est certain que quand ils deviendront des leaders, la relation entre l’Afrique et l’Europe sera de plus en plus forte.
Entretiens : Hubert Bataille, IRD