Réduire la mortalité dues aux morsures de serpents n’est peut-être plus un rêve. L’Organisation Mondial de la Santé vient en effet d’inscrire ces morsures sur la liste des maladies tropicales négligées, ce qui devrait entraîner une meilleure prise en charge.
Les morsures de serpents deviennent la vingtième pathologie de la liste des « maladies tropicales négligées » tenue par l'OMS. Cette décision, rendue publique par l’organisation le 23 juin dernier, est une victoire pour la Société Africaine de Venimologie (SAV) qui estime le nombre de morts par morsures de serpents à plus de 25 000 par an au sud du Sahara. Elle compte bien l’utiliser pour réduire ce chiffre de 90 % d’ici quelques années.
La liste des maladies tropicales négligées
La lutte pour obtenir l’inscription des morsures de serpents parmi les maladies tropicales négligées a débuté à la fin des années 1990. Elle s’est intensifiée il y a cinq ans avec la création de la SAV, regroupant des chercheurs d’une vingtaine de pays d’Afrique subsaharienne. La décision finale de l’inscription a été prise lors d’une réunion, à Genève, sur l’accessibilité aux anti-venins.
L’inscription sur cette liste n’est pas anodine. « À partir de maintenant, beaucoup d’instances, et pas seulement l’OMS, vont considérer que c’est une maladie importante. Elle va entrer dans les agendas des gouvernements, des ONG, de la presse... », explique Jean-Philippe Chippaux, de l'Institut de Recherche pour le Développement, président honoraire de la SAV. Cette liste légitime le problème et peut aider pour obtenir des fonds. Par exemple, la fondation Bill et Melinda Gates, qui finance de nombreux programmes de recherche sur les maladies tropicales, ne s'intéresse qu'aux maladies figurant sur cette liste.
Un plan d'action bien défini
Mais là où la SAV estime que la reconnaissance des morsures de serpent comme maladie négligée est importante, c’est dans la mise en place de sa stratégie de lutte. Une stratégie écrite depuis de nombreux mois, en prévision de la décision de l’OMS et dont la Société ne doute pas qu’elle sera appliquée. Il faut dire que grâce à des années de lobbying auprès des ministères de la Santé dans les différents pays africain, la Société à l’oreille des pouvoirs publics.
Ce plan se concentre en premier lieu sur la recherche épidémiologique : savoir quand et où ont été mordus les patients, ainsi que la gravité de leur état. Il faut ensuite s’occuper de la formation du personnel de santé, de l’infirmier à la sage femme en passant par les médecins. Les habitants doivent aussi recevoir un certain nombre d’informations, afin qu’ils sachent quand aller se faire soigner. « C’est peut-être le plus difficile, explique Jean-Philippe Chippaux. Mais ça l’est pour toutes les pathologies. Il faut prendre en compte le poids de la médecine traditionnelle. Expliquer que cette dernière résout certains problèmes, mais que l’hôpital soigne aussi les maladies. »
L'approvisionnement en anti-venins
Le dernier point concerne l’approvisionnement en anti-venins. Aujourd’hui les seuls pays africains qui en fabriquent sont l’Afrique du Sud et l’Égypte, mais ils ne couvrent que leurs besoins, et éventuellement ceux de pays voisins. Toutefois, construire des usines de production de traitements sur place coûterait bien trop cher aux États. De plus, la qualité des produits ne serait pas optimale avant un long moment, et des effets secondaires irrémédiables pourraient poser problème. La solution à court terme selon la SAV serait plutôt d’importer des ampoules d'anti-venin d’autres continents (du Mexique, des États-Unis ou d'Europe de l’Ouest notamment). Cette solution d’urgence devrait être appliquée, avant de trouver le moyen de réduire le coût de fabrication d’anti-venins de qualité.