Des formes de tuberculose résistant aux traitement connus progressent en Afrique. Elles pourraient toutefois être soignées par une combinaison d'antibiotiques connus, utilisée pour traiter d'autres infections. C'est en tout cas ce que laissent espérer des tests in vitro.
Le recyclage n’est pas seulement bon pour l’environnement. En médecine aussi il a son intérêt ! Une étude présentée le 30 août 2017 montre qu’un médicament bien connu peut également servir pour améliorer la lutte contre la tuberculose. La combinaison du Ceftazidime et de l’Avibactam, utilisée pour soigner les pneumonies ou encore les infections urinaires, serait en effet très efficace contre les formes les plus virulentes de tuberculose.
En Afrique du Sud, en 2015, plus de 10 000 personnes infectées par le bacille de Koch (Mycobacterium tuberculosis), à l'origine de la tuberculose, présentaient une résistance à la plupart des médicaments utilisés habituellement pour soigner cette maladie, selon les estimations de l’OMS. Ce chiffre est de 42 000 pour toute l’Afrique. Cela peut sembler dérisoire par rapport aux 1,4 million de morts de la tuberculose dans le monde la même année, mais la virulence de la tuberculose résistante inquiète les spécialistes, qui redoutent qu'elle ne se propage.
Une bactérie meurtrière
Cette tuberculose résistante est en effet particulièrement meurtrière : 60 % des personnes infectées meurent dans les 10 mois qui suivent l’infection. Le seul traitement disponible aujourd’hui ne fonctionne que dans 80 % des cas. Il a surtout l'inconvénient d'utiliser une formule très toxique, fondée sur une molécule nommée aminoside. Cet antibiotique, administré à forte dose, attaque les reins, ou provoque des chutes de cheveux importantes chez 70% des adultes l’utilisant.
« Pour qu’un nouveau médicament soit trouvé, testé, approuvé, que l’on connaisse ses effets secondaires et qu’il puisse être mis sur le marché, il faut près de 10 ans. Nos patients n’ont pas ce temps », explique Tawanda Gumbo, de l'université du Cap, en Afrique du sud, et de l'université Baylor, au Texas, qui a dirigé l'étude.
Essais en cultures
Devant ce constat, son équipe s’est mise en quête d’une solution de secours. Ils ont mis des cultures in vitro de Mycobacterium tuberculosis résistant en contact avec des médicaments déjà utilisés dans la lutte contre d’autres maladies. Tous les antibiotiques disponibles sur le marché ont ainsi été testé.
Le Ceftazidime et l’Avibactam ont d'abord été testé séparément, avec peu de succès. Comme la combinaison de ces deux médicaments était déjà utilisée pour soigner certaines infections, elle a aussi été essayée, cette fois avec plus de réussite. Après un ajustement des doses, les chercheurs ont démontré en laboratoire l’efficacité de ce médicament contre la forme de tuberculose qui résiste aux traitements actuels.
Gain de temps précieux
« Cette manière d’utiliser des médicaments pour une autre maladie n’est pas habituelle » explique Tawanda Gumbo. Mais cela permet de gagner du temps, car : « le médicament a déjà passé les tests de santé publique, il est utilisé régulièrement et l’on connaît ses effets ». En particulier, les doses que l'on peut administrer sans déclencher des effets secondaires rédhibitoires sont déjà connues. Il pourrait donc être rapidement prescrit par les médecins, tout en représentant un danger moins important pour les patients que le traitement à base d’aminoside.
Pour autant, il ne faut pas encore crier victoire trop vite. La combinaison Ceftazidime/Avibactam n’a pas encore été testée chez des patients. « Nous espérons que des médecins vont prendre contact avec nous. Nous proposons d’utiliser cette technique dernier recours, lorsque l’on a essayé tous les médicaments connus », conclut Tawanda Gumbo.