Une étude réalisée en Ouganda vient de démontrer que les chimpanzés sont capables de prendre en compte les connaissances de leurs congénères pour les avertir de menaces.
"Attention, tu vas marcher sur un serpent venimeux!" : signaler un danger et vérifier que l'autre a compris qu’il y avait une menace est une évidence chez les humains. On sait désormais, grâce à une étude réalisée par trois chercheurs de la Budongo Conservation Field Station, en Ouganda, que c'est aussi ce que font les chimpanzés. Les éthologues ont en effet observé qu'un individu au fait d'un danger alerte ses congénères de façon différente selon les informations dont ceux-ci disposent. Une communication aussi complexe n’avait jamais été observée dans le monde animal.
Les chercheurs de cette station, qui observent plus de 700 chimpanzés dans la forêt de Budongo en Ouganda, ont caché un faux serpent venimeux sur un chemin fréquemment emprunté par un groupe de ces singes. Quand l'un des animaux remarque le serpent, il commence à prévenir les autres à l’aide de cris. Puis, il appuie son alerte avec des gestes, tout en montrant l’emplacement et en désignant le serpent. Il regarde alternativement celui-ci et les autres membres du groupe, jusqu’à ce que ces derniers voient le danger (voir la video).
Un calme trompeur
Dans une seconde expérience, les scientifiques ont ajouté la diffusion, à l’aide d'un haut-parleur, de cris de chimpanzés pré-enregistrés signalant l'absence de danger. Lorsqu’un singe voit le faux serpent peu après avoir entendu ces cris, il change sa manière d’avertir les autres. Conscient que ceux-ci ne sont pas sur leurs gardes à cause du signal précédent, il crie lui-même plus fort, et fait des gestes plus importants pour que toute la troupe prenne conscience du danger environnant. Preuve que le chimpanzé change ses signaux en fonction de ce que les autres sont censés savoir ou non.
C’est cette capacité à prendre en compte ce que savent les congénères qui intéresse les chercheurs. « Beaucoup d’animaux, comme les loups par exemple, lancent des alertes en présence de prédateurs, explique Catherine Crockord, co-auteure de l’étude. Ce qui change ici, c’est que le ton des cris change en fonction de qui est présent, mais aussi des informations que le reste du groupe a ou n’a pas ».
Un précurseur du langage
L'éthologue précise toutefois que l’on est encore loin d’un langage. Selon elle, cette manière de communiquer en prenant conscience de ce que sait le reste de la troupe est plutôt un précurseur du langage. Et comme notre espèce, Homo sapiens, est la plus proche de celle des chimpanzés, Pan paniscus, du point de vue de l'évolution, elle avance même que cette faculté était présente chez notre dernier ancêtre commun, il y a 8 à 10 millions d'années.
Référence : C. Crockford et al., Science Advances, 3, e1701742, 2017.