La drépanocytose est un trouble causé par une mutation monogénique qui affecte l'hémoglobine, molécule porteuse d'oxygène des globules rouges du sang. Si une personne hérite d'un gène muté, elle est porteuse du trait drépanocytaire, mais dans la grande majorité des cas, elle ne développe pas la maladie. Mais si une personne hérite du gène muté de ses deux parents, elle la développera.
La drépanocytose entraîne une malformation des globules rouges, ce qui perturbe leur circulation dans les vaisseaux sanguins.
La mutation provoque la polymérisation de l'hémoglobine (les molécules se collent les unes aux autres), ce qui déforme les globules rouges et leur donne des formes irrégulières, y compris une forme de faucille (on parle d'anémie falciforme). Par conséquent, ces cellules sanguines malformées ne peuvent pas circuler correctement dans les vaisseaux sanguins, ce qui limite l'approvisionnement en sang des organes. Il en résulte une vaste gamme de problèmes, principalement l'anémie hémolytique (faible taux sanguin causé par la destruction des cellules sanguines) et des dommages ischémiques aux tissus et aux organes, ce qui entraîne de fréquentes périodes de douleur intense et même la défaillance des organes. Le syndrome thoracique aigu est un exemple typique de défaillance d'organe dans la drépanocytose et l'une des principales causes d'hospitalisation et de décès chez les patients. (Piel et al. 2017:1562-1565).
70% des bébés nés avec une drépanocytose naissent en Afrique subsaharienne, notamment au Nigeria et en République démocratique du Congo. Bien que la mortalité infantile (décès avant 5 ans) chez les enfants atteints de drépanocytose a diminué dans les pays développés, elle reste extrêmement élevée en Afrique. Selon une estimation de 2010, elle se situe entre 50 et 90 %, bien qu'il soit difficile d'obtenir des statistiques précises sur la drépanocytose en Afrique. Le dépistage de la drépanocytose chez les nouveau-nés est une composante essentielle pour pouvoir la traiter aussi efficacement que possible, ce qui est une pratique normale au Royaume-Uni, aux États-Unis et dans d'autres pays développés. Toutefois, à ce jour, aucun pays africain n'a mis en œuvre de dépistage de masse pour ce caractère, bien que certains aient mené des essais de dépistage. (Kato et al. 2018:2-3, 10).
Prévalence mondiale de la drépanocytose. L'Afrique en est l'épicentre.
La forte prévalence de la drépanocytose en Afrique s'explique principalement par son lien avec le paludisme. L'hypothèse dite du paludisme a été formulée pour la première fois par des scientifiques occidentaux au début du XXe siècle. L'hypothèse commence par noter que le paludisme existe depuis des milliers d'années et qu'il a entraîné jusqu'à récemment une mort quasi certaine chez les nourrissons. Ces facteurs signifient qu'il serait intervenu dans la sélection naturelle. Comme le paludisme affecte les cellules sanguines, toute modification de la structure des cellules sanguines entraverait également la propagation du paludisme. Ainsi, on a émis l'hypothèse que les génotypes associés aux modifications de la forme des cellules sanguines devraient être plus courants dans les régions où la prévalence du paludisme est élevée. (Luzzatto, 2012).
Comme nous l'avons vu, la drépanocytose modifie effectivement la structure des cellules sanguines. Dans les années 1950, un chercheur travaillant au Kenya a démontré que la prévalence de la drépanocytose est en étroite corrélation avec la prévalence du paludisme. Il a également montré que les personnes atteintes de drépanocytose semblaient contracter le paludisme moins fréquemment. Des recherches ultérieures ont montré que les porteurs du gène de la drépanocytose peuvent contracter le paludisme et le font, mais qu'il s'agit rarement des formes les plus graves. En fait, ils sont 90 % moins susceptibles que ceux qui ne portent pas le gène d'être atteints d'un paludisme grave. (Kato et al. 2018:2). S'ils contractent le paludisme, ils en meurent rarement, même dans les cas les plus graves. Il semble que les globules rouges des porteurs de la drépanocytose tombent malades, mais qu'ils sont ensuite éliminés par les globules blancs. (Luzzatto, 2012).
Cette relation complexe entre la drépanocytose et le paludisme est un exemple de polymorphisme dit équilibré. La mutation peut être bénéfique ou délétère. Elle est bénéfique chez les hétérozygotes (personnes qui ne portent qu'un seul gène muté) car elle leur procure une certaine protection contre le paludisme. Mais la mutation est délétère chez les homozygotes (personnes porteuses de deux de ces gènes mutés) parce qu'elle entraîne un dysfonctionnement et une destruction possible des globules rouges qui provoquent des épisodes imprévisibles de douleur intense et souvent la mort.
Pour les personnes d'ascendance africaine, le dépistage de la drépanocytose est un moyen d'empêcher leur progéniture future de développer la drépanocytose. Ceux qui portent le gène pourraient sélectionner leur conjoint, évitant ainsi d'avoir des enfants avec d'autres porteurs gène. Ce genre de comportement préventif pourrait être promu dans les messages de santé publique de la même manière que la protection lors des relations sexuelles.
Références:
Kato G. et al. (2018). Sickle Cell. Nature Reviews Disease Primers volume 4(18010). [Résumé : https://www.nature.com/articles/nrdp201810 consulté le 2 Sept. 18]
Luzzatto. L. (2012). Sickle Cell Anaemia and Malaria. Mediterranean Journal of Hematology and Infectious Diseases, 4(1). [texte intégral : https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC3499995/ consulté le 2 Sept. 18]
Piel, F. et al. (2017). Sickle Cell Disease. The New England Journal of Medicine, 376(16). [Résumé : https://www.nejm.org/doi/full/10.1056/NEJMra1510865 consulté le 2 Sept. 18]
Ce billet a d'abord été publié sur Afroscientific.com
Il a été traduit en français par la rédaction d'Afriscitech.com