Raissa Malu

L’Éducation de base en R. D. Congo

Une importante réforme de l'éducation dans le pays le plus étendu d'Afrique subsaharienne.

Ce jeudi 15 octobre 2020, je participais à la visite du Lycée Kabambare avec la Directrice Générale de l’UNESCO, Audrey Azoulay. Le Lycée Kabambare fait partie des meilleurs lycées de filles de la ville de Kinshasa.

En cette période de crise sanitaire qui affecte particulièrement les filles (selon une récente enquête menée par l’ONG Plan international, 6 filles sur 10 dans le monde ne reprendront pas leurs études après la crise!), nous comprenons pourquoi Mme Azoulay a tenu à encourager les filles de cette école associée à l’UNESCO durant sa visite en République Démocratique du Congo.

Un socle commun

Au cours de la cérémonie officielle, deux filles en 8e année (de l’éducation de base) ont lu le message des élèves du Lycée Kabambare à la Directrice Générale de l’UNESCO. En les écoutant, j’ai pensé qu’il serait approprié en ce début d’année scolaire 2020-2021 de refaire un point sur cette importante réforme de l’éducation de base en République Démocratique du Congo.

Commençons par une définition reprise du rapport datant de juillet 2018 sur « l’éducation de base en République Démocratique du Congo » du Professeur Philippe Jonnaert dans le cadre de l’appui à la modernisation et à la mise en œuvre des programmes scolaires : « L’éducation de base est un socle commun de compétences, de connaissances, de savoir-faire professionnels et entrepreneuriaux et de savoir-être auquel ont droit tous les enfants. Ce sont donc les ‘bases’ dont a besoin tout élève congolais, qu’il ou elle continue sa formation ou s’engage dans la vie professionnelle. »

Un programme panafricain

Bien que nous Congolais soyons géniaux, nous n’avons pas inventé ce concept de l’éducation de base. Tous les pays occidentaux ont une éducation de base, et pour les pays de l’OCDE, les acquis des élèves à la fin de l’éducation de base à 15 ans sont évalués avec le Programme international de suivi des acquis des élèves (PISA).

Pour les pays africains, un programme panafricain pour le développement d’une éducation de base a été défini par l’UNESCO en 2009. Il s’agit du BEAP (pour Basic Education for Africa Program).

Une loi en 2014

La République Démocratique du Congo s’est inscrite dès 2010 dans ce mouvement. Et c’est dans la Loi-Cadre n° 14/004 du 11 février 2014 de l’Enseignement National que le concept de l’éducation de base va être officiellement introduit : « Chapitre III, Section 1, Article 10 : l’éducation de base pour tous est l’ensemble de connaissances acquises par l’enfant dès le niveau primaire jusqu’au secondaire général. Elle s’articule en l’enseignement primaire et les deux premières années du secondaire. Elle assure à tous les enfants un socle commun des connaissances et donne à l’enfant un premier niveau de formation générale. »

Voici la structure de l’éducation de base en République Démocratique du Congo :

Structure EB RDC

Un continuum d’éducation et de formation

L’éducation de base est une réforme structurelle en profondeur du système éducatif congolais, car en tant que socle commun, toutes les offres de formation post Éducation de Base, du secondaire à l’enseignement supérieur, y compris la formation professionnelle, doivent s’appuyer sur elle. Nous avons tendance à le perdre de vue, mais il faut savoir que l’amélioration de la qualité du système éducatif congolais dépend du niveau de cohérence que nous sommes capables d’établir entre les différents Ministères en charge du secteur de l’éducation.

Il s’agit de créer un continuum d’éducation et de formation assurant aux enfants, aux jeunes et aux adultes un parcours scolaire, académique ou professionnel harmonieux. En tant que socle commun des compétences et des connaissances, l’éducation de base devient dès lors le pilier central de notre système éducatif.

Quatre nouvelles fonctions

Dans ce contexte, les deux dernières années de l’éducation de base qui sont les deux premières années du secondaire ont désormais quatre nouvelles fonctions essentielles :

  • une fonction d’intégration de toutes les connaissances et les compétences de l’éducation de base ;
  • une fonction de professionnalisation pour préparer les jeunes qui s’engageraient dans la vie active au terme de l’éducation de base ;
  • une fonction d’orientation vers les différentes offres de formation post éducation de base ;
  • une fonction de certification avec un examen en fin de l’éducation de base.

Vous l'aurez compris, l’éducation de base n'est pas une scolarité primaire prolongée qui retarderait l’entrée au secondaire. Nullement ! Il s’agit « de développer une réforme curriculaire holistique, intégrée et vaste, orientée vers la continuité des apprentissages, leurs résultats et leur évaluation » (Philippe Jonnaert).

Une scolarité de base cohérente

Le cycle terminal de l’éducation de base correspond aux deux premières années du secondaire et pour employer une image terre à terre, les garçons doivent venir à l’école en uniforme pantalon et non en short comme c’est le cas au cycle primaire ! Alors, pourquoi avoir changé les noms de ces deux années ?

Pour matérialiser la réforme. Il s’agit d’insister sur la nécessité d’un continuum pédagogique de la première à la dernière année de l’Éducation de Base, de sorte que l’élève vive sans aucune rupture une scolarité de base cohérente.

Des écoles de l’éducation de base

Quid des écoles ? Aurons-nous des écoles de l’éducation de base ? Ce n’est pas exclu.

Nous avons déjà des écoles en progression qui n’ont pas de cycle complet. Ce qu'il faut retenir, c'est qu'en République Démocratique du Congo, nous avons toujours des écoles primaires et des écoles secondaires.

Le cycle terminal de l’éducation de base (7e et 8e année de l’éducation de base) est logé dans les écoles secondaires. À terme, nous pourrions avoir des écoles en progression jusqu’au cycle terminal de l’éducation de base (deux premières années du secondaire) afin de préparer leurs élèves à la certification qui devrait avoir lieu à la fin de ce cycle.

Test de fin d'études

Et le Test National de Fin d’Études Primaires (TENAFEP), doit-il disparaître ? La réforme de l’éducation de base a des conséquences importantes sur le système éducatif congolais.

L’une d’entre elles est la gestion du passage des élèves de la 6e année de l’éducation de base (6e primaire) à la 7e année (1ère secondaire). Pour que ce passage soit fluide, il faudrait que le système ait des capacités d’accueil suffisantes au niveau des écoles secondaires qui organisent le cycle terminal de l’éducation de base.

Ce n’est pas le cas aujourd’hui. Le TENAFEP reste donc encore nécessaire pour gérer le flux des élèves. Cependant, le système éducatif congolais doit très rapidement planifier la disparition de ce test pour organiser un examen officiel en fin de l’éducation de base.

Développement d’une approche curriculaire

L’essence de la réforme de l’éducation de base est le développement d’une approche curriculaire assurant la cohérence entre le cycle du primaire et le premier cycle du secondaire (cycle terminal de l’éducation de base), mais aussi entre l’éducation de base et toutes les offres de formation post Éducation de Base qui doivent s’appuyer sur ce socle commun. C’est précisément la mission du Projet d’Éducation pour la Qualité et la Pertinence des Enseignements aux niveaux Secondaire et Universitaire (PEQPESU).

Au niveau du secondaire général, le PEQPESU a soutenu la réforme curriculaire dans la logique de l’éducation de base avec une réorganisation des disciplines en domaines d’apprentissage, du régime pédagogique et des programmes éducatifs du domaine d’apprentissage des sciences. La deuxième phase (qui ne relèvera plus du PEQPESU) sera d’étendre la réforme amorcée aux autres domaines d’apprentissage au niveau du cycle terminal de l’éducation de base et au niveau du cycle primaire.

Une réforme de fond

La réforme de l'éducation de base en République Démocratique du Congo est une réforme de fond dans la perspective de l'atteinte de l'Objectif de développement durable n°4 (ODD4) : « Assurer l’accès de tous à une éducation de qualité, sur un pied d’égalité, et promouvoir les possibilités d’apprentissage tout au long de la vie. »

Pour terminer, je vous partage cette vidéo qui avait été produite pour la rentrée scolaire 2018-2019 où entraient en vigueur les nouveaux programmes du domaine d’apprentissage des sciences au cycle terminal de l’éducation de base modernisés selon la logique de l'éducation de base. Elle est disponible en français et dans les quatre langues nationales pour une large diffusion. Merci de la partager.

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Cet article a d'abord été publié sur LinkedIn.

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