La RDC pilote l'Union Africaine pour un an.
Comme vous le savez (j’espère que vous le savez), le Président de la République Démocratique du Congo, Son Excellence, Monsieur Félix Antoine Tshisekedi Tshilombo, prendra la Présidence de l’Union Africaine en février prochain lors de la 34e Assemblée Ordinaire des Chefs d'État et de Gouvernement. C’est Son Excellence, Monsieur Cyril Ramaphosa, Président de la République d’Afrique du Sud, qui lui transmettra le bâton.
C’est la première fois que la République Démocratique du Congo prendra la tête de l’Union Africaine (UA) depuis sa création en 2002, à Durban, en Afrique du Sud. Inutile de vous dire comme les attentes sont grandes et les défis importants pour le Président Tshisekedi et la République Démocratique du Congo !
Organisation continentale
L’Union Africaine a été créée à la suite d’une décision prise en septembre 1999 par l’organisation pionnière, l’Organisation de l’Unité africaine (OUA), afin de mettre en place une nouvelle organisation continentale devant consolider ses acquis. La vision de l’UA est celle d’une Afrique intégrée, prospère et pacifique, dirigée par ses propres citoyens et représentant une force dynamique sur la scène internationale.
Pour matérialiser cette vision, l’Agenda 2063 a été élaboré. Il couvre une période de 50 ans allant de 2013, l’année du Jubilé d'or de la création de l'OUA, à 2063.
Barrage et libre échange
Y sont détaillés les Sept aspirations de l’Afrique pour l'avenir avec leurs 20 Objectifs et les 14 Programmes phares devant stimuler la croissance économique et le développement de l'Afrique et conduire à la transformation rapide du continent. Pour vous donner une idée, parmi ces projets phares, nous avons la mise en œuvre du projet du Barrage Grand Inga en RDC et la Zone Continentale Africaine de Libre-échange (ZLECAF) entrée en vigueur le 1er janvier 2021.
Les cinquante années de l'Agenda 2063 sont subdivisés en cinq périodes couvertes par cinq plans décennaux. Le Premier Plan Décennal de Mise en œuvre couvre la période allant de 2013 à 2023. Ces plans doivent permettre d’identifier les domaines prioritaires, de fixer des objectifs spécifiques, de définir les stratégies et les mesures politiques nécessaires pour leurs mises en œuvre.
Premier rapport
En février 2020, l’UA publiait le premier rapport continental sur l’état de la mise en œuvre de l’Agenda 2063 avec les rapports de progrès de 31 États membres de l’Union Africaine et des 6 communautés économiques régionales (les communautés économiques régionales (CER) sont des regroupements régionaux d’États africains dirigés par rotation par un Chef d’État ou de Gouvernement). Il s'agit des progrès réalisés par rapport aux objectifs de 2019 du Premier Plan Décennal de Mise en œuvre de l’Agenda 2063.
Globalement, le continent a obtenu un score de 32%. L’évaluation par région donne ceci :
- l’Afrique de l’Est a enregistré les meilleures performances dans cinq des sept aspirations avec un score global de 40% ;
- l’Afrique de l’Ouest obtient un score de 34% ;
- la performance globale de l’Afrique du Nord s’est élevée à 27% ;
- l’Afrique australe et l’Afrique centrale ont toutes deux enregistré un score global de 25% par rapport aux objectifs de 2019.
Efforts nécessaires
Le rapport conclut en disant que « malgré les progrès réalisés dans la mise en œuvre, des efforts supplémentaires seront nécessaires pour accélérer la réalisation du Premier plan décennal de mise en œuvre afin de ramener l’Afrique vers "l’Afrique que nous voulons". Le continent devra relever les principaux défis liés au suivi de l’Agenda 2063, tels que le manque de données et de capacités tant humaines que financières. Il devra également déployer des efforts concertés et coordonnés aux niveaux infranational, national, régional et continental afin d’exploiter notamment l’énorme potentiel latent du dividende démographique que représente sa jeune population dans les processus économiques productifs pour une croissance économique durable et inclusive. »
« Hummm, ce n'est pas gagné ! », avons-nous envie de dire un sourcil levé. Je sais ce que vous pensez. « De belles paroles, mais pas ou peu de concret dans la vie des Africains et Africaines », n’est-ce pas ? Vous n’êtes pas le seul ou la seule à le penser, mais voilà la suite de l’histoire, le début du chapitre RDC.
Panel présidentiel
Le 30 octobre 2020, le Président Tshisekedi créait et nommait par ordonnance les six membres du Panel présidentiel devant l’accompagner dans la mandature de la République Démocratique du Congo à la tête de l’Union Africaine. Il m’a fait l’honneur de me choisir parmi ces Hautes Personnalités me demandant de m’occuper des domaines éducation, jeunesse, science, technologie et innovation.
Je tiens à préciser que ces domaines étant transversaux, ce sont tous les membres du Panel qui y contribuent de façon collégiale. Je suis comme un point focal pour ces thématiques.
Consultation en ligne
Il revient évidemment au Président lui-même de dévoiler sa vision stratégique et son plan d’action. Je voudrais ici seulement vous parler d’une initiative que nous avons lancée il y a quelques jours et qui à mon sens marque le début de cette mandature.
Ce n’est un secret pour personne que l’éducation et la jeunesse sont chères au Président Tshisekedi et qu’il tient à ce que les institutions de la République et par ricochet celles de l’Union Africaine, se rapprochent des peuples. C’est dans cet esprit que nous avons lancé le 5 janvier 2021 une consultation en ligne de la jeunesse africaine afin d'obtenir son avis sur ce que devraient être les priorités de la Présidence de la République Démocratique du Congo à la tête de l’Union Africaine.
Mobilisation de la jeunesse
Figurez-vous qu’en moins de 24 heures, nous avions déjà reçu 346 réponses de jeunes issus de 19 États membres de l’UA ! Je sais, les influenceurs et influenceuses du web vont bien rigoler, eux qui en quelques heures peuvent recevoir 100 000 vues sur l’un de leur post.
Mais je trouve que cette mobilisation de la jeunesse africaine pour la mandature de la RDC à la tête de l'UA, même modeste, mérite d’être soulignée. Continuons notre histoire.
Mobilisation continentale
À ce jour, nous avons reçu 533 réponses de jeunes de 35 États membres de l’UA sur 54. Voici la liste des pays dont nous avons reçu au moins une réponse, mais pour la majorité, plusieurs jeunes ont répondu : Afrique du Sud, Angola, Bénin, Burundi, Burkina Faso, Botswana, Cameroun, Comores, R Congo, RD Congo, Côte d'Ivoire, Érythrée, Éthiopie, Égypte, Ghana, Kenya, Madagascar, Malawi, Mozambique, Namibie, Mauritanie, Niger, Nigeria, Ruanda, Sénégal, Seychelles, Somalie, Soudan, Sud-Soudan, Tanzanie, Tchad, Tunisie, Ouganda, Zambie et Zimbabwe.
Il s’agit là d’une belle mobilisation continentale et je voudrais remercier sincèrement toutes les personnes qui ont pris part à cette consultation et qui continuent de le faire (date limite le 15 janvier 2021).
Les répondants
Qui a répondu ? Nous avons 56% d’hommes et 44% de femmes. La majorité (53%) a entre 25 et 35 ans, 27% ont entre 18 et 25 ans. La répartition par statut professionnel est reprise dans la figure ci-après où « Membres » désigne la proportion des jeunes africains qui sont membres d’une organisation, d’un réseau, d’une coalition ou d’un groupe national ou régional de jeunes.
Textes officiels
Pour commencer, nous avons voulu savoir si les jeunes Africains avaient connaissance des textes suivants :
- l’Agenda 2063 de l’Union Africaine ;
- la Charte africaine de la Jeunesse ;
- la Stratégie continentale de l’éducation pour l’Afrique (CESA 16-25) ;
- la Stratégie continentale pour l’enseignement et la formation techniques et professionnels (EFTP) ;
- la Stratégie 2024 de l’UA pour la Science, la Technologie et l’Innovation pour l’Afrique (STISA-2024) ;
- la Stratégie spatiale africaine ;
- l’Agenda 2030 du développement durable des Nations Unies avec les 17 objectifs.
Les Nations unies mieux que l'Union africaine
Il est interpellant de voir que 49% des jeunes déclarent n’avoir, soit jamais entendu parler de ces textes, soit ils en ont entendu parler, mais n’y ont pas eu accès. C’est également étonnant que l’Agenda 2030 du développement durable adopté en 2015 soit mieux connu parmi notre jeunesse que l’Agenda 2063 de l’Union Africaine !
Même si les stratégies sont principalement élaborées pour les politiques, il est important de les vulgariser. Les jeunes doivent savoir ce que nous prévoyons pour eux afin de les mobiliser pour l’atteinte des objectifs fixés.
Choix de priorités
Les jeunes sont invités ensuite à choisir (et proposer) des priorités parmi des propositions dans quatre domaines :
- la jeunesse ;
- l’éducation ;
- les sciences, technologies et innovation ;
- l’environnement.
Je ne vais pas à ce stade rentrer dans les détails de leur choix, mais il ressort que les jeunes africains sont demandeurs de plus d’échanges et de coopérations interafricaines en matière d'enseignement et de recherche, d’une plus grande valorisation du patrimoine et des connaissances locales, et d’un système de soutien à leurs projets, réalisations et initiatives.
Rapprocher l'Union africaine des peuples
Pour beaucoup l’Union Africaine est une grosse machine loin des peuples. Elle donne l’impression de ne pas s'occuper de nous et qu'il n'y a pas grand-chose à attendre d’elle. L'Union Africaine reconnaît elle-même qu’elle peut mieux faire en matière de communication sur ces nombreuses actions, mais rappelle que ce sont les États membres qui font l’Union Africaine.
Cela dit, même modeste, cette consultation montre que la jeunesse africaine est prête à donner sa chance à son institution. Elle veut y croire et veut y participer.
Des possibilités pour la RDC
Pour la mandature de la République Démocratique du Congo, qu’il s’agisse du niveau national, régional, continental ou mondial, le contexte actuel est certes difficile, mais il offre des possibilités. Je suis convaincue que le Président Tshisekedi avec ses pairs et la Commission de l’Union Africaine, dans ce contexte particulier, se mobilisera pour faire avancer les agendas en tenant compte de l’avis des peuples.
Pour terminer, j'ai oublié de vous mentionner que le thème 2021 de l’Union Africaine est « Arts, Culture et Patrimoine : Levier pour l’édification de l’Afrique que Nous Voulons ». Il parait que c’est un thème idéal pour la République Démocratique du Congo.
Nous serions en effet célèbres pour notre musique (la rumba congolaise) et nos artistes. C’est très bien, mais si vous me demandez mon avis, j’attends avec impatience le moment où nous serons à nouveau aussi célèbres pour nos institutions d’enseignement et de recherche (qui seraient alors correctement financées), ainsi que pour nos mathématiciennes, nos physiciennes, nos chimistes, nos ingénieurs, nos scientifiques en général et nos tech-entrepreneurs. Je prêche pour ma chapelle. 😉
Science is fun, join us!
PS : Pour participer à la consultation (si vous êtes dans les tranches d'âge et si ce n'est pas déjà fait), vous pouvez remplir l’un des deux formulaires, celui en français ou celui en anglais. Vous avez jusqu’au 15 janvier. Nous vous tiendrons également informés des activités qui seront organisées pour la mandature de la RDC à la tête de l'UA. L'équipe culture avec le Professeur historien Isidore Ndaywel prépare notamment un programme qu'il ne faudrait surtout pas rater !
Cet article a d'abord été publié sur LinkedIn.