Qui êtes-vous ?
Je suis le professeur Marie-Monique Rasoazananera de Madagascar. Je suis enseignant chercheur, économiste et ministre de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche Scientifique à Madagascar.
Pourquoi participez-vous à la conférence YASE ?
D’abord, je fais partie du comité de parrainage. Et aussi je suis vraiment impliquée en tant que ministre de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche Scientifique sur la recherche, sur la vision de la recherche en Afrique, dont Madagascar. Et surtout aussi il s’agit des jeunes chercheurs. Comment intégrer les chercheurs africains qui travaillent en Europe aux recherches de leurs pays ? C’est vraiment très important parce que ce sont ces jeunes qui vont apporter les réponses aux différentes questions concernant le développement de leur pays. Parce que c’est ça l’objectif de la recherche, c’est de répondre à des besoins de développement. Parce qu’il n’est pas à nier que la pauvreté sévit encore en Afrique alors qu’il y a des ressources, des potentialités, humaines et naturelles.
De nombreux jeunes chercheurs africains viennent travailler en Europe et ne rentrent pas. Qu’en pensez-vous ?
D’un côté, on comprend les jeunes. Parce qu’ils sont ici en Europe, ils ont un certain mode de vie. Pour la recherche, ils ont des laboratoires, des universités renommées. Ils se demandent ce qu’ils vont devenir s’ils reviennent en Afrique. S’ils vont continuer les recherches, est-ce qu’ils trouveront cet environnement de recherche, avec les laboratoires, les infrastructures. Ou bien, s’ils ont terminé leurs études, ils vont revenir, est-ce qu’ils vont trouver un travail adéquat ? Comment ils vont vivre ? Il faut bien aussi de l’autre côté que les jeunes Africains prennent conscience que les recherches qu’ils font doivent vraiment être adaptées à leur pays, des recherches qui vont répondre à des besoins de leur pays. Des recherches qui vont utiliser des ressources de leur pays, c’est-à-dire des ressources naturelles par exemple. Ces jeunes chercheurs africains ne doivent pas vraiment avoir peur de rentrer, mais il faut qu’ils affrontent ce qu’ils vont trouver là-bas. À Madagascar, nous avons donc la stratégie nationale de recherche, des plans directeurs qui sont vraiment des priorités pour l’économie de Madagascar. Donc les priorité de la recherche sont les priorités du développement de Madagascar. On peut le dire aussi de l’Afrique. Par exemple, nous avons les plans directeurs pour l’agriculture, la santé, les énergies renouvelables, le changement climatique, les sciences marines. Ce sont des plans directeurs qui utilisent des orientations de la recherche, qui vont utiliser les potentialités en Afrique, qui se trouvent à Madagascar, qui se trouvent en Afrique. Donc il faut que les jeunes Africains qui font leur travail, qui font leurs recherches ici, prennent le temps de voir les réalités. Est-ce qu’il y a quelque chose qui marche ou est-ce qu’il n’y a rien qui marche en Afrique ? Ce qui marche, il faut que ces jeunes Africains acceptent de faire avec.
Quelle est la situation du financement de la recherche à Madagascar ?
La recherche reste toujours la parente pauvre de l’économie, alors que c’est la recherche qui doit alimenter aussi l’économie. Donc souvent, dans mon pays surtout, le budget pour le financement de la recherche, c’est minime, presqu’inexistant. On ne comprend pas encore que la recherche scientifique doit être le moteur qui va booster l’économie. Mais si on ne met pas de l’argent, on n’investit pas sur la recherche, il n’y aura rien. Donc en voyant tout ça, il ne faut pas rester les bras croisés. Étant ministre de l’Enseignement Supérieur, j’ai frappé sur la table pour faire comprendre que la recherche doit avoir sa place sur sa contribution pour le développement du pays. Donc nous avons créé à Madagascar une sorte de « basket fund » où nous avons invité tous les bailleurs, les bailleurs de fonds traditionnels et aussi les opérateurs économiques. Donc nous avons défni un projet, un chiffre. Et il y a une participation du gouvernement, et après chacun va contribuer. Il y a des promesses de mettre quelque chose dans ce fond. Après ça va continuer, et le gouvernement a déjà mis sa contribution, pour booster la recherche, l’investissement sur la recherche, et on attend les autres, parce que nous ne cessons pas de rappeler qu’il y a ce projet de « basket fund » pour financer la recherche.
Propos recueillis par Jean-Bruno Tagne