Lettre d'information de la physique africaine

La COVID-19 vue par une étudiante tunisienne en fin d'études

Les confinements dans plusieurs pays dus à la première vague de COVID-19 ont creusé un fossé parmi les étudiants qui devaient effectuer un stage à la fin de leurs études.

Je m'appelle Ghalia. Je suis étudiante en ingénierie et, au cours des six derniers mois, j'ai effectué mon stage de fin d'études. Il s’agit d'une expérience professionnelle immersive de 4 à 6 mois, largement considérée comme un point charnière dans la carrière d'un étudiant ; une passerelle entre le monde des études et celui de l’entreprise.

Les étudiants recherchent des stages qui leur permettront d'obtenir de futurs emplois ou des possibilités de voyager. La plupart d'entre eux visent les deux. La plupart visent l'Europe. La COVID-19, a changé la donne. Voici comment moi, et beaucoup d'autres autour de moi, avons vécu cette transformation.

D'abord, la recherche

Nous avons commencé à remarquer les premiers symptômes de la crise dès le début du mois de janvier. Outre les refus habituels de demandes, nous avons commencé à remarquer un nouveau type de courrier électronique : « En raison du virus et de l'absence de visibilité économique à long terme, nous ne sommes pas en mesure d'assurer de nouveaux recrutements. »

À la fin du mois de février, pour les candidats à un stage en France, ces réponses sont devenues de plus en plus fréquentes. Pendant ce temps, la Tunisie était encore épargnée par le virus. Les étudiants des premières années passaient encore leurs examens dans des salles surpeuplées et les entreprises tunisiennes continuaient d'embaucher.

Il a fallu faire des choix. Beaucoup ont choisi de continuer à chercher à l'étranger. Certains ont changé de destination pour se rendre dans des pays où les formalités administratives sont moins lourdes, comme l'Allemagne. D'autres ont choisi de rester en Tunisie. Moi aussi.

Ensuite, le confinement

J'ai passé l'entretien pour le stage depuis un canapé de notre salon. J'ai commencé le stage une semaine plus tard.

Nous étions depuis une semaine en quarantaine nationale. Les étudiants ont dû interrompre la session d'examens à mi-parcours. Les gens accumulaient des produits de première nécessité, ma grand-mère faisait déjà tremper deux fois le pain dans de l'eau de javel, et nous étions à deux semaines du Ramadan.

En bref, ce n'était pas les conditions idéales pour commencer un stage à forts enjeux, mais nous avons dû nous adapter en assurant des réunions hebdomadaires et en travaillant par objectif. Cela dit, cette situation semblait tout de même complètement absurde, et parfois surréaliste.

Mon université a pris en considération les circonstances particulières et, bien qu'elle n'ait pas été en mesure de numériser entièrement les documents, elle nous a laissé un délai suffisant pour déposer nos documents. C'est également à cette époque que la créativité des gens a commencé à s'épanouir.

Initiatives locales pour lutter contre la COVID-19

Dans un élan de patriotisme alimenté par des décisions politiques étonnamment audacieuses, un certain nombre d'initiatives menées par des étudiants et des enseignants qui visaient à soutenir le pays dans sa lutte contre le virus sont apparues. Quant à l'INSAT, deux projets étaient à l'honneur : le détecteur de COVID-19 fondé sur l'intelligence artificielle, et le Fellag, robot qui utilise les UVC (rayonnement ultraviolet dans la gamme 280-100 nm de longueur d'onde) pour désinfecter les surfaces.

En attendant, de nombreux étudiants qui avaient opté pour un stage à l'étranger se sont retrouvés bloqués. Les aéroports ont été fermés et les entreprises ont cessé leur activité.

Les étudiants qui se trouvaient déjà à l'étranger et pour lesquels le travail à distance n'était pas possible se sont retrouvés dans des situations précaires. Certains ont même été priés de partir.

Pour ceux qui attendaient encore en Tunisie, les choses n'allaient pas beaucoup mieux. Beaucoup ont vu leur stage suspendu jusqu'à une date incertaine. D'autres ont été annulés et beaucoup ont dû recommencer à chercher.

Enfin, les conséquences

En tout, la quarantaine en Tunisie a duré 2 mois entiers. Nous avons rouvert le pays en mai et ouvert les frontières en juin.

Cela a été aussi le calendrier suivi par la plupart des pays européens qui intéressent les étudiants tunisiens. Néanmoins, le gel bureaucratique engendré par le virus a creusé un fossé entre les étudiants.

Je suis aujourd'hui dans les dernières étapes de mon stage, mais certains de mes amis attendent encore de pouvoir commencer le leur. Il en résulte un décalage de 6 mois au moins entre les étudiants d'une même promotion, qui devront finalement entrer en compétition avec les étudiants de la promotion suivante. Cela aussi, va sûrement influencer le marché du travail.

Le dilemme de la quarantaine

La première vague en Tunisie a été modérée. La quarantaine nationale rapidement imposée a noyé le besoin d'approches high-tech au profit de solutions simples, peu coûteuses et rapides. Pourtant, alors que nous sommes maintenant confrontés à une deuxième vague du virus, le gouvernement ne semble pas aussi désireux de mettre à nouveau le pays en quarantaine.

La plupart d'entre nous reconnaissent que la Tunisie ne peut pas supporter un autre confinement. Alors que les élèves retournent à l'école, rattrapent les examens manqués et commencent une nouvelle année, nous ne pouvons qu'espérer nous adapter. En tant qu'individus, et en tant que nation, nous ne pouvons que nous rassembler pour nous relever.

Que tout le monde reste en sécurité.

Ghalia Ben Jemia, Institut national des sciences appliquées et de la technologie (INSAT), Tunisia

Cet article a d'abord été publié par la Lettre d'information de la physique africaine -  © American Physical Society, 2020 - Il a été traduit en français par Afriscitech.

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