Lettre d'information de la physique africaine

Deux radiogalaxies géantes découvertes par MeerKAT

The two giant radio galaxies found with the MeerKAT telescope. In the background is the sky as seen in optical light. Overlaid in red is the radio light from the enormous radio galaxies, as seen by MeerKAT. North is at the top of the images. Left: “GRG1,” Right: “GRG2.” Credit: I. Heywood (Oxford/Rhodes/SARAO)

La découverte de deux sources radio en Afrique du Sud remet en question ce que l'on pensait jusqu'alors de ces objets.

La découverte de deux radiogalaxies géantes, ou GRGs, d'une taille inhabituelle, a été rapportée par une équipe utilisant MeerKAT. On pensait que de telles galaxies étaient relativement rares, mais MeerKAT est suffisamment sensible à la luminosité de surface pour voir des émissions radio diffuses à grande échelle, jusqu'alors invisibles. Leur découverte dans la phase initiale d'un grand relevé du ciel invite à penser que les GRGs ne sont peut-être pas rares du tout.

Les auteurs de l'article, dont plus de la moitié ont des affiliations africaines, ont été surpris par la détection. Jacinta Delhaize, post-doc SARAO à l'Université du Cap et premier auteur de l'article, déclare « Nous savions que nous découvririons plus de radio galaxies avec le relevé MIGHTEE (MeerKAT International GHz Tiered Extragalactic Exploration), mais nous ne nous attendions pas à trouver immédiatement deux énormes bêtes ! »

Trois motifs d'importance

« La découverte de ces deux GRG est importante pour plusieurs raisons. La raison numéro un est simplement qu'elles ne pouvaient pas être découvertes auparavant en raison des limitations techniques des télescopes. Deuxième raison : ces deux GRG sont plus faibles que toutes les autres radiogalaxies géantes de taille à peu près équivalente. Cela signifie que nous sondons une région jusqu'alors inexplorée de l'espace des paramètres des GRG. Raison numéro trois : nous n'aurions pas dû trouver DEUX radiogalaxies géantes dans une parcelle du ciel aussi petite, si l'on se fonde sur nos connaissances actuelles de la densité des GRG dans le ciel. En fait, nous n'aurions même pas dû en trouver une ! »

Les auteurs ont utilisé les données du relevé de galaxies MIGHTEE utilisant MeerKAT, qui a une excellente sensibilité à l'émission à grande échelle, et ils les ont comparées aux données du Very Large Array COSMOS 3 GHz Large Project, qui a une meilleure résolution angulaire.Les noyaux des galaxies sont identifiables dans ce dernier relevé, mais seul MeerKAT montre que chacune de ces galaxies possède deux jets extrêmement longs avec des lobes diffus et des points chauds aux extrémités (figure d'ouverture).

Une partie spéciale du ciel

L'étude des GRG est importante car elle nous aide à mieux comprendre l'évolution des galaxies qui peuvent subir des perturbations extrêmes. Les galaxies sont les « phares » de l'Univers, elles éclairent l'obscurité. Nous voulons comprendre comment elles ont changé et évolué au cours de l'histoire de l'univers.

Au bout di compte, cela pourrait nous aider à comprendre le passé et l'avenir de notre propre galaxie, la Voie lactée. Les galaxies ont été trouvées dans le champ COSMOS, qui est une parcelle de ciel choisie pour avoir peu d'étoiles ou de nuages de gaz obscurcissant notre propre galaxie - une fenêtre à travers la Voie lactée dans la constellation Sextans.

C'est une partie du ciel nocturne qui semble relativement vide et sombre à l'œil nu, mais c'est ce qui en fait un champ de découverte exceptionnellement riche pour les astronomes extragalactiques. Elle a été étudiée dans les longueurs d'onde optique, infrarouge et radio, et des sources de rayons X ont été cartographiées par le satellite Chandra. La disponibilité de ces données multi-longueurs d'onde de haute qualité est essentielle pour l'analyse de MIGHTEE.

Les longs lobes caractéristiques

Dans les cartes MeerKAT, les longs lobes radio caractéristiques ont été découverts par inspection visuelle alors que les images radio étaient mises en correspondance avec leurs homologues visuelles. Ils sont formés par le rayonnement synchrotron émis par des électrons relativistes qui ralentissent dans le milieu intergalactique ; un bon exemple de galaxie radio est Centaurus A, sur la figure 1, qui montre comment l'imagerie multi-longueurs d'onde est utilisée pour démêler les composants d'une galaxie radio.

Centaurus A

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Figure 1 : Image en fausses couleurs de la radio galaxie proche Centaurus A, montrant l'émission radio (rouge), infrarouge à 24 micromètres (vert), et rayons X à 0,5-5 keV (bleu). On peut voir que le jet émet un rayonnement synchrotron dans les trois bandes d'ondes. Les lobes n'émettent que dans la gamme des fréquences radio, et apparaissent donc en rouge. Le gaz et la poussière de la galaxie émettent un rayonnement thermique dans l'infrarouge. Le rayonnement X thermique provenant du gaz chaud et l'émission non thermique des électrons relativistes sont visibles dans les « coquilles » bleues autour des lobes, en particulier au sud (en bas). Crédit : Martin Hardcastle CC BY-SA 3.0

 

Les deux GRG sont situés dans de petits groupes de galaxies, ce qui est cohérent avec une courbure des lobes dans le milieu intergalactique. (Pour information : la morphologie du lobe nord de GRG1 est typique d'une source radio de type II de Fanaroff-Riley. Cette classification a été cosignée en 1974 par Bernard Fanaroff, qui a la particularité d'être respecté à la fois comme astronome et comme dirigeant syndical, créant ainsi un impact exceptionnellement important pour l'Afrique du Sud.)

700 millions d'années

Les deux sources radio semblent être intégrées dans des galaxies elliptiques de type précoce avec des noyaux galactiques actifs à faible excitation. Ces galaxies sont connues sous le nom de « rouges et mortes » car elles ont peu ou pas de formation d'étoiles en cours.

Les radiogalaxies évoluent le long de trajectoires dans un diagramme puissance-taille qui les fait passer d'une taille plus petite et d'une puissance de jet radio plus élevée à une taille plus grande et une puissance plus faible. Ces deux GRG se situent à la limite de la région la plus grande et la plus faible puissance de ce diagramme, ce qui correspond à des âges d'environ 700 millions d'années.

Découverte inattendue

Selon J. Delhaize,: « Cela montre qu'avec des télescopes comme MeerKAT, nous commençons à sonder une partie jusqu'alors inexplorée de l'espace des paramètres des galaxies. » Sur la base de la densité des GRG mesurée par le télescope LOFAR aux Pays-Bas, la probabilité de trouver deux GRG aussi énormes dans ce petit champ COSMOS n'est que de 0,0027%.

« Donc, soit nous avons étéridiculement chanceux, soit les GRG sont beaucoup plus communs que nous le pensions auparavant ! Et c'est le gros lièvre soulevé par notre travail », déclare J. Delhaize. Cette dernière possibilité serait une conclusion importante.

En attendant le SKA pour plus

Les auteurs remarquent, avec plus de gravité, « ... nos résultats fournissent des preuves solides que les GRGs pourraient être beaucoup plus nombreux que ce que l'on pensait auparavant... Ce sont des indices alléchants de ce que le futur SKA finira par découvrir avec sa résolution angulaire et sa sensibilité à la luminosité de surface simultanément excellentes. »

Que cela signifie-t-il pour l'Afrique ? Des découvertes d'importance fondamentale sont faites à travers les pays africains et par des scientifiques africains. Les jeunes astrophysiciens obtiennent de grands résultats, et ont de l'ambition.

Igle Gledhill

Cet article a d’abord été publié par la Lettre d’information de la physique africaine - © Société américaine de physique, 2021. Traduction en français par Afriscitech.

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