Ugwem Eneyo est une entrepreneure avec de la volonté. Une nécessité quand on lance son entreprise en tant que jeune africaine. D'autant qu'elle ambitionne que la société qu’elle a créée au Nigeria atteigne l’échelle de l’Afrique.
Ingénieure, conférencière, dirigeante d’entreprise... À 26 ans, Ugwem Eneyo se fait déjà une place dans le monde des entrepreneurs africains. La jeune femme, américaine mais née de parents nigérians, est la PDG de Solstice, entreprise qui aide les professionnels et les particuliers à mieux gérer leur consommation d’énergie, notamment à l’aide d’une application sur smartphone. Pour l’instant uniquement implantée au Nigéria, la jeune femme espère vite faire grandir son entreprise, afin d'apporter ses services au plus possible des 1,2 milliard d’africains.
Avant de créer son entreprise, Ugwem Eneyo a étudié à l’Université de l’Illinois, aux États-Unis, puis à l’Université Nelson Mandela d’Arusha, en Tanzanie. En Tanzanie toujours, elle a travaillé ensuite sur des projets d’assainissement de l’eau.
Nettoyer les industries sales
Toutefois, soucieuse de parfaire sa formation, elle s'est inscrite en doctorat à l'université Stanford, en Californie. En parallèle, Ugweme Eneyo a mis ses aspirations environnementalistes au service de l’industrie pétrolière et a travaillé pour ExxonMobile. « Cette industrie ne va pas disparaître, explique-t-elle. Mais on peut mieux faire les choses. Chez Exxon, comme conseillère environnementale j'aidais l'entreprise à fonctionner d’une manière moins polluante. »
Côté étude, la jeune femme se rend vite compte que les recherches effectuées à Stanford étaient centrées sur l’Occident, et peu applicables à l’Afrique. Lui vient alors l’idée de Solstice. Cette entreprise lui permettrait non seulement de s’implanter au Nigeria, où réside sa famille, mais aussi de produire des innovations écologiques. D'autant que l'analyse de marché est favorable : il y a peu d’entreprises d’innovation dans ce secteur dans le pays, ce qui lui laisse la place de grandir plus facilement qu’aux États-Unis. Elle garde aujourd'hui toutefois des activités à San Francisco, car l’entreprise est soutenue par plusieurs fondations américaines.
Analyse de data et panneaux photovoltaïques
Avec Cole Stites-Clayton, l’autre co-fondateur de Solstice rencontré à Stanford, Ugwem Eneyo crée l'entreprise en 2015. Leurs cibles sont surtout les foyers et les petites entreprises. Leur application permet de récupérer les données de consommation d’énergie des bâtiments. Solstice les analyse pour ensuite trouver des manières d’améliorer la consommation, de manière à ce qu’elle soit plus écologique et économique. Avant même d’être véritablement lancée, elle avait déjà signé un contrat avec une entreprise de gestion locative de logements à Lagos, au Nigeria.
Ugwem Eneyo affirme ainsi, dans une vidéo réalisée à l’occasion du concours de la fondation Westly qui récompense des entreprises californiennes innovantes, que l'on peut réduire jusqu’à 50 % les coûts d’utilisation des batteries qui stockent l'énergie produite par la panneaux photovoltaïques. Ce qui permettrait d’installer des batteries avec moins de capacité, donc moins coûteuses, pour le même service. Un résultat qui permettrait de faire tomber : « la première barrière à l’implantation durable de cette technologie », selon elle.
Et elle n'est pas la seule à y croire. Quelques temps après sa création, Solstice gagne plusieurs concours en 2016 comme le prix Énergie Propre du Massachussetts Institute of Technology (MIT). La même année, le projet fait partie des cinq finalistes de Démo Africa, concours organisé par l’African Technology Foundation (ATF) qui récompense des entreprises africaines innovantes.
Une entrepreneure qui se distingue
Pour Stephen Ozoigbo, fondateur de l’ATF, le projet porté par Ugwem Eneyo était à part : « beaucoup de participants comptaient sur nous pour ensuite s’installer dans la Silicon Valley. Son entreprise, basée à Stanford voulait faire le chemin inverse. C’est ce qui nous a plu en premier. »
Ce sont ces particularités chez la jeune entrepreneure qui font qu’elle intervient désormais dans des conférences d’entrepreneurs à travers le monde. Pour partager son expérience, mais aussi et avant tout pour scruter le marché, et chercher des opportunités de grandir. Elle était par exemple à Afrobytes, à Paris en juin 2017 pour mieux connaître le marché d’Afrique francophone, « souvent sous-estimé par les anglophones » explique-t-elle.
Le fait qu'elle soit une femme la distingue également. Elle regrette d'ailleurs de faire figure d'exception à ce niveau. Selon une étude menée par Small and Medium Enterprises Development Agency of Nigeria, les femmes ne représentent que 13,57% des dirigeants de petites et moyennes entreprises dans le pays. Et ce n'est guère mieux ailleurs. Son exemple convaincra-t-il d'autres jeunes femmes africaines de tenter l'aventure ?